En Arabie saoudite, une femme majeure peut obtenir un passeport et voyager sans l’accord d’un tuteur légal depuis 2019. Pourtant, certaines autorités religieuses maintiennent que voyager sans mahram reste interdit selon des interprétations classiques du droit islamique.
Des écoles juridiques musulmanes divergent sur la question, citant des hadiths et des contextes différents pour justifier leurs positions. Des pays à majorité musulmane appliquent ces règles avec des variations notables, entre autorisation conditionnelle et interdiction stricte.
Voyager seule en islam : entre principes religieux et réalités contemporaines
Le voyage femme seule n’a jamais cessé de susciter débats et ajustements dans le droit musulman. La condition d’être accompagnée d’un mahram, un parent masculin proche, pour tout trajet significatif, surtout la nuit, s’est installée dans plusieurs écoles juridiques. Mais la vie réelle, l’économie et la géographie ont souvent été en décalage avec cette exigence.
Ce sujet dépasse le simple cadre de la doctrine. Dans bien des pays, la pratique s’émancipe : les femmes partent étudier, travaillent à l’étranger, voyagent pour affaires ou pour retrouver des proches, sans qu’un homme de la famille ne les accompagne toujours. La contrainte s’estompe au fil du quotidien, alors que la mobilité féminine s’impose comme une réalité ordinaire. Maghreb, Asie du Sud-Est, certains États du Golfe : le voyage femme ne s’arrête plus systématiquement à la question du mahram.
Pourtant, l’interdiction de voyager seule reste ancrée dans certains dispositifs légaux ou religieux. Elle s’appuie généralement sur des arguments de sécurité ou de sauvegarde de l’honneur familial. Parfois, les autorités administratives posent encore des barrières ; ailleurs, ce sont les familles qui tiennent la main de la décision. Entre le cadre posé par les textes et les aspirations individuelles, une distance s’installe, évidente.
Une lecture attentive des pratiques montre : oui, le voyager seule mahram demeure source de tensions. Mais l’accès à l’éducation, le rythme du monde et la circulation des idées déplacent les anciennes frontières. Désormais, la question du voyage femme seule devient un espace mouvant, traversé de négociations, de compromis, parfois même de résistances ouvertes. La dignité et la liberté des femmes musulmanes s’affirment au cœur du débat.
Quels fondements scripturaires encadrent le voyage des femmes sans mahram ?
Le voyage femme seule en islam s’appuie sur les recueils de hadiths, qui consignent les propos et actes du Prophète Muhammad. Certains textes, notamment chez Boukhari et Muslim, posent des limites précises : selon le hadith transmis par Abou Hourayra, « Il n’est pas permis à une femme qui croit en Dieu et au Jour dernier de voyager sur une distance d’un jour et d’une nuit sans être accompagnée d’un mahram ». Cette formulation existe sous diverses versions, parfois avec des durées différentes.
Les savants s’interrogent sur la portée de ces récits. Pour certains, il s’agit d’une règle générale. D’autres y voient une recommandation circonstanciée, adaptée à l’insécurité de l’époque, au manque de moyens de communication ou à la vulnérabilité des routes anciennes. Pour le pèlerinage, obligatoire ou surérogatoire, certains hadiths cités par Abou Khoudri ou d’autres compagnons acceptent la présence d’un groupe fiable de femmes ou d’un accompagnateur digne de confiance.
Voici les éléments principaux souvent mis en avant dans l’argumentation :
- Les rapports de Boukhari et Muslim servent de socle à la plupart des positions traditionnelles.
- La notion de mahram domine dans les textes classiques, mais la question de la sécurité et du contexte varie selon les courants juridiques.
Le débat n’est jamais clos : la richesse des sources, la diversité des lectures et les évolutions de la société invitent à une réflexion vivante sur la mobilité féminine en islam.
Les avis divergents des savants : panorama des interprétations classiques et modernes
Le droit musulman ne parle pas d’une seule voix. Les écoles juridiques, hanafite, malikite, chaféite, hanbalite, ont développé des approches nuancées à propos du voyage femme seule sans mahram. La plupart des anciens savants s’appuient sur les hadiths attribués au Prophète Muhammad pour justifier la nécessité d’un accompagnateur masculin, surtout pour les longs trajets, comme le rappellent Boukhari et Muslim.
Mais des exceptions existent, documentées : Aïcha et Oum Salamah, épouses du Prophète, ont effectué le pèlerinage sans mahram, au sein d’un groupe sûr, selon certains témoignages. Des figures comme Omar ibn al-Khattab, Othman ibn Affan ou Abdurrahman ibn Awf ont toléré ce type de déplacements lorsque le niveau de sécurité le permettait.
À l’époque actuelle, plusieurs autorités, dont le Conseil européen de la fatwa, revisitent la question à la lumière des transports modernes, des contrôles de sécurité et des réalités sociales. Certains avis autorisent le voyage femme seule si la sécurité est assurée et l’objectif nécessaire : études, travail, soins de santé. D’autres campent sur la présence obligatoire du mahram, invoquant la constance des textes fondateurs.
Quelques tendances se dégagent parmi les positions contemporaines :
- Les ulemas du Maghreb optent parfois pour une approche pragmatique, prenant acte de la montée en puissance de l’autonomie féminine.
- Certains avis minoritaires tolèrent les déplacements non accompagnés sur de courtes distances, selon la situation particulière.
Vers une compréhension renouvelée : dialogue autour des enjeux actuels et perspectives d’évolution
Le contexte contemporain met la norme religieuse à l’épreuve de mutations profondes. Les droits de la femme en islam se renouvellent sous l’effet des mobilités, des trajectoires individuelles et du bouleversement des schémas familiaux traditionnels. Voyager pour étudier, travailler, se soigner : ces situations sont de plus en plus courantes. Aujourd’hui, la technologie, la sécurité des transports, la capacité à communiquer à distance bousculent la perception du risque qui fondait auparavant l’interdiction du voyager seule.
La jurisprudence islamique évolue avec précaution. Plusieurs conseils religieux, dont le Conseil européen de la fatwa, acceptent le voyage femme seule si la nécessité est établie et les garanties réunies. Ce changement prend en compte le monde moderne : compagnies aériennes encadrées, hébergements sécurisés, mobilité professionnelle et académique. Des savants distinguent aussi les courts trajets, pour lesquels l’absence de mahram est parfois admise, des longs voyages ou de ceux vers des régions à risque.
Dans la société, le débat reste vif. Certaines femmes musulmanes revendiquent la liberté de voyager seules, s’appuyant sur la pluralité des lectures et l’évolution des mentalités. D’autres préfèrent conserver le cadre protecteur, perçu comme une valeur morale et identitaire. Entre autonomie individuelle et respect des usages collectifs, la discussion avance, portée par une société en mouvement.
Au fil des frontières, des attentes et des textes, la mobilité féminine en islam dessine désormais ses propres chemins. Qui sait à quoi ressembleront, demain, les routes que les femmes choisiront d’emprunter ?


